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Florence Arthaud, Souvenirs Intimes, par Rose-Marie Bruballa

FlorenceQue ne l’a-t-elle entendu Florence Arthaud ! « La petite fiancée … » Rabâché, ressassé en boucle depuis sa mort, ce surnom dont on l’avait joliment baptisée en 1990, après qu’elle eu remporté la Route du Rhum, à bord de Pierre 1er. Petit bout de femme sur un grand trimaran doré.

Cette année là, elle n’était pas une débutante dans la cité corsaire car c’était sa 4eme participation à la course inventée par Michel Etevenon et qui devint la plus célèbre des transatlantiques.

Je me souviens de Florence, en 1978, lors de la première édition, tignasse à peine disciplinée, qui venait  d’installer une table sur le quai et soufflait les 20 bougies de son anniversaire. Plus loin, le long cigare de Michel Malinovsky attirait tous les regards et Mike Birch, dans la discrétion peaufinait son trimaran jaune.

Pour cette première tentative, sur un monocoque de 12 mètres, « X Perimental » elle se classa 11eme, couvrant la distance en un peu plus 27 jours .course terminée, elle se moque bien de la partie terrienne du contrat tacite : assurer la promotion du produit. Avant le départ, déjà, Florence désespérait les attachées de presse qui distribuaient des échantillons des produits de beauté de la marque, et qu’elle ne secondait  nullement, assumant  plutôt son look de sauvageonne.

Elle ne cessait jamais de naviguer. De naviguer au large et en compétition.

C’est ainsi qu’en 1983 elle engagea Biotherm dans la course La Baule-Dakar, pour laquelle elle enrôla un équipage, dont la pièce maitresse était Lionel Péan qui venait de gagner le Figaro.

A l’arrivée à Dakar, où les bateaux étaient au mouillage le temps des  formalités, celui de Florence était le plus « sonore ». Pour cause. Sur un petit tourne-disque elle ne cessait de passer le succès de l’année : la chanson de Renaud « c’est pas l’homme qui prend la mer». Mais le chanteur terminant sa chanson par  « nous nous en allerons, de lapin » elle respectait la superstition faisant chaque fois déraper l’aiguille sur le disque, juste avant la mention de l’animal aux longues oreilles. Vous dire l’état du disque au terme d’une soirée, qui plus est bien arrosée !

Aujourd’hui Lionel pleure «une femme originale et un formidable marin avec laquelle j’ai partagé des moments merveilleux. C’était une navigatrice hors pair. Quand elle montait sur un bateau, elle s’envolait ». Ils ont souvent navigué ensemble. Parfois à l’ancienne comme en 2004 pour une transat AG2R où le circuit électrique de leur monocoque ayant grillé ils avaient rejoint Saint-Barth  à la boussole, se relayant à la barre, faute d’un pilote automatique fiable.

Petit retour dans le temps et les souvenirs

Il ne fut pas étonnant de la retrouver au départ du Rhum 1986 dans lequel elle se classa 11e place sur « Energie et Communication ». En chemin elle fut le premier témoin d’un drame. A la direction de course, installé dans la Maison de la Radio, à Paris, nous n’avions plus de nouvelle de Loïc Caradec depuis une vacation au cours de laquelle il m’avait répété  que les hurlements qui ponctuaient notre échange, étaient ceux de la sirène de gite. Avant un trop long silence. Nous avions alors indiqué aux concurrents,² la position estimée de Caradec et c’est Florence, la plus proche, qui s’était déroutée pour lui porter assistance. Elle avait retrouvé le catamaran Royale retourné sans trace du marin, malgré ses vains appels désespérés

 On sait tout de la victoire de 1990 sur Pierre 1er,  belle création de son ami de jeunesse, Marc Van Pethegem associé à Vincent Lauriot Prevost (VPLP)  dont les plans, depuis, ont remporté toutes les éditions de la Route du Rhum !

Quatre mois plus tôt, en guise d’entrainement elle s’était attaquée au record de la traversée de l’Atlantique Nord en solitaire, détenu par Bruno Peyron. Et en 9 jours 21 heures et 42 minutes, avait amélioré la performance de près de deux jours.

Les années passant, la désertion des sponsors, effarouchés par sa désinvolture et ses incartades – qui n’étaient que l’expression de son goût pour une totale liberté – la reléguére au rôle d’équipière sur les bateaux amis. Qui ne lui manquèrent jamais. Ni les amis, ni les bateaux.

Florence était de tous les bons combats, comme récemment avec Jean Yves Terlain sous les couleurs de Sea Sheperd; sa fondation pour l’accès à l’eau douce et à la mer qui a fait naviguer des « jeunes filles suicidaires » et pour  emmener des gamins auxquels elle voulait  « redonner ce que la mer m’a donné ».

On sait qu’elle faillit mourir en mer en octobre 2011. Partie sur le bateau familial « L’Argade II « vers la Kabylie,  terre d’origine de sa mère, pied-noir elle en revenait avec un passager, le chaton vagabond Bill K (verlan de Kabyle). Elle ne s’attachait jamais, même en solitaire. Nuit  noire, envie pressante. Cul nu dans le balcon. Une vague l’a déséquilibrée et jetée à la mer loin du cap Corse. Puis  « L’Argade II » a filé. Florence a avalé de l’eau, s’est battue 3 heures contre la houle ; Elle dira l’énorme moment de solitude, de violence, pendant lequel elle se voyait mourir seule. Loin de sa fille Marie, née en 1993 de sa liaison avec Loïc Lingois, marin lui aussi.

La Méditerranée a épargné sa petite sœur : Flo,  avec son téléphone étanche a appelé sa mère laquelle a relayé au CROSS-Med qui a organisé les secours grâce à la géo localisation du téléphone portable.

Nature, elle vivait et s’exprimait sans fard. A des journalistes qui l’interrogeaient sur sa carrière, elle avait récemment déclaré:  « Je ne sais pas pourquoi mais, pour les Français, je suis toujours la petite fiancée de l’Atlantique. Eh, t’as vu ma gueule, on dirait plutôt la vieille dame de la mer, non ? »

« Florence Arthaud n’est pas une imposture, c’est un extraordinaire marin, une aventurière unique, d’une extrême gentillesse. Florence Arthaud est un personnage de roman » a justement estimé Olivier de Kersauson à qui elle était très attachée.

Aventures d’ailleurs

Nous étions ensemble en 1995 en Patagonie argentine, pour un Raid Gauloises  auquel elle participait avec son équipe de 4 garçons. Gérard Fusil, l’inventeur de cette épreuve de sport aventure, avait réunit un plateau exceptionnel: Laurent Fignon, Bernard Giraudeau, Philippe Jeantôt et Florence Arthaud.

Arrivée épuisée sur la ligne de départ, Florence avait immédiatement manifesté son sens de l’organisation, transformant un cerf-volant en spinnaker pour dominer une épreuve de canoë. Postée sur le flanc du glacier Tronador, pour contrôler et sécuriser le passage des équipes, je l’avais admiré dans sa montée de cette montagne de la Cordillère des Andes. Epurée, magnifiée par l’effort, entrainant ses hommes, fascinés.

Des concurrents vedettes, ne reste depuis le 9 mars que Philippe Jeantot.

La dernière fois que j’ai vue Florence, c’était à St Malo début novembre, au départ  de la Route du Rhum. Elle nous annonçait son projet d’organiser une course féminine en équipage avec des bateaux représentant les pays du pourtour de la Méditerranée. Projet qui faisait l’unanimité.

Sur Facebook avant de partir vers l’Argentine fatale, la photo d’un ciel bleu, pommelé de nuages avec cette phrase « Le ciel et la mer…. La terre est loin derrière. Presque oubliée »

marie arthaud lingoisEt dernier témoignage, paru au lendemain de sa disparition, un livre: « Cette nuit, la mer est noire »

Rose-Marie Bruballa

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